(Paris, France, 23 juillet 2017)
*Qui est Ebtisam Alsaegh?
Ebtisam Alsaegh est une militante bahreïnie des droits de l’Homme faisant partie de SALAM for Democracy and Human Rights, une ONG enregistrée au Royaume-Uni.
Le mardi 18 juillet 2017, le parquet des affaires terroristes à Bahreïn a lancé l’ordre de détention de l’activiste des droits de l’homme Ebtisam Alsaegh pour 6 mois pour cause d’enquête liée aux accusations de terrorisme à son encontre. En même temps, un groupe d’experts de l’ONU ont émis leurs inquiétudes concernant la détention arbitraire et des rapports montrent qu’elle a été victime de torture et de sévices sexuels.
Les experts de l’ONU ont affirmé que « Alsaegh a été privée de son droit fondamental à la sécurité juridique depuis le moment de son arrestation et jusqu’à ce jour » exprimant aussi de « graves inquiétudes sur les informations indiquant que son état de santé s’est détérioré de manière dramatique ces derniers jours ».
C’est dans ce contexte de documentation de l’état d’Alsaegh à partir du 4 juillet, que nous avons reçu avec beaucoup d’inquiétude le témoignage du militant des droits de l’homme Nabeel Rajab avec sa famille dans lequel il témoigne qu’il a vu Alsaegh sur une chaise roulante dans l’hôpital du ministère de l’Intérieur dans la capitale bahreïnie.
Son fils Adam Nabeel Rajab déclara sur son compte personnel Twitter que son père était inquiet de l’état de sa collègue Alsaegh et qu’il affirma ne pas avoir pu la reconnaitre jusqu’à ce qu’elle lui dise “Nabeel, Nabeel, C’est moi Ebtisam Alsaegh”, surtout qu’il n’était pas au courant de son arrestation et détention. Il demanda à son fils “Qu’est ce qui amena Ebtisam ici ? Elle a eu un accident de voiture ?”. Il rapporta que Alsaegh semblait tellement fatiguée et qu’elle était sous anesthésiant.
Des sources proches de sa famille ont indiqué que Alsaegh a été vue plusieurs fois dans la prison pour femmes dans la ville de Madinat ‘Isa dans un état dramatique due aux mauvaises conditions et à la torture.
De plus, des sources fiables ont indiqué qu’elle est maintenue en isolement dans une cellule sale et remplie d’insectes et qu’elle a informé des femmes détenues qu’elle a été victime de torture, de grande pression, qu’ils l’obligent à faire de fausses confessions qui n’ont rien à voir avec son travail sur les droits de l’homme et qu’elle est constamment transférée à la direction générale des enquêtes (CID) par des personnes appartenant à l’Appareil de Sécurité Nationale (NSA).
Il est également important de mentionner que l’Appareil de Sécurité Nationale l’interroge souvent jusqu’à 12 heures par jour.
Les organisations prenant part dans ce rapport affirment que ces pratiques de l’Appareil de Sécurité Nationale contre Ebtisam Alsaegh, membre de SALAM for Democracy and Human Rights, sont des méthodes visant à éliminer la liberté d’opinion et d’expression à Bahreïn.
Ces procédures méthodologiques sont basées sur des règles et bases illégales. Alsaegh est victime de torture, de mauvais traitement et de longs interrogatoires. Ces mesures sont prises pour réprimer le travail des organisations de la société civile et des activistes des droits de l’homme qui cherchent à travers les mécanismes des Nations Unis de présenter des dossiers sur les droits de l’homme qui nécessitent une solution immédiate car ils ont des répercussions négatives sur la réalité des droits de l’homme à Bahreïn.
Toujours dans la logique de la répression des militants des droits de l’homme, Ebtisam Alsaegh et d’autres militants ont subi des interrogatoires pouvant aller jusqu’à 7 heures en mai 2017 dans le département de l’Appareil de la Sécurité Nationale à Muharraq. Elle avait alors rapporté qu’elle avait été frappée violement en plus d’avoir été agressée sexuellement dans le but de la forcer de calmer ses activités et son travail dans le domaine des droits de l’homme et de l’annoncer sur les réseaux sociaux tels que Twitter.
L’ambassadeur de Bahreïn en Angleterre a publié un communiqué sur son compte officiel Twitter sur « les allégations relatives au cas d’Ebtisam Alsaegh ». La déclaration publiée le 14 juillet 2017 affirme que Alsaegh est actuellement détenu avec de sérieuses accusations de terrorisme, des liens avec des organisations terroristes et des cellules terroristes connues « , ajoutant que « les accusations portées à son encontre ne sont pas basées sur ses opinion ou sur ses opinions politiques ».
Informations sur le contexte :
Ebtisam Alsaegh a été harcelée par les autorités de Bahreïn dans plusieurs précédentes occasions. Le 20 mars 2017, elle a été détenue pendant sept heures à l’aéroport international de Bahreïn à son retour de la 34ème session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU à Genève en Suisse. Elle a alors été interrogée pendant cinq heures et son passeport a également été confisqué.
Le 22 janvier 2017, avant de quitter Bahreïn, elle avait aussi été interrogée pour une déclaration qu’elle avait faite contre l’utilisation par les autorités bahreïnies de la peine de mort. Au cours de l’interrogatoire, l’enquêteur a menacé Alsaegh de ne pas « franchir les lignes rouges ».
Elle avait été précédemment interrogée par le parquet public le 23 novembre 2016 sur ses publications sur « Twitter » et ils l’avaient accusée d’inciter à la haine contre le régime bahreïnie et de menacer la paix et sécurité publique. Elle avait alors été interdite de voyager à l’extérieur du pays pendant un certain temps et ensuite elle y a été autorisée de nouveau après l’interrogatoire du 22 janvier 2017.
Le retour de l’appareil de sécurité nationale est une consécration de la brutalité :
Le 2 janvier 2017, le roi de Bahreïn Hamad bin Isa Al-Khalifa promulgue le décret n°1 de 2017 visant à modifier certaines dispositions du décret n°14 de 2002 concernant la création de l’Appareil de Sécurité Nationale.
L’amendement stipule que «les officiers, les sous-officiers et les membres de l’Appareil de Sécurité Nationale ont le statut d’officiers de contrôle judiciaire pour les crimes terroristes et, à l’exception de ces crimes, l’Autorité renvoie les cas qui nécessitent une arrestation ou une détention au ministère de l’intérieur dans le but d’intenter une action en justice « .
Ce décret a amendé le décret du roi de Bahreïn du 28 novembre 2011 qui statuait que « l’Appareil de Sécurité Nationale renvoie les cas qui nécessitent une arrestation ou une détention au ministère de l’Intérieur pour des poursuites judiciaires ».
Le décret de 2011 suivait les recommandations de la Commission d’Enquête Indépendante de Bahreïn (BICI), appelés également « les recommandations de Bassiouni», publié le 23 novembre 2011, et plus précisément la recommandation 1718 qui appelait à «l’amendement du décret instituant l’obligation de garder l’Appareil de Sécurité Nationale comme un organisme de renseignements sans pouvoir d’application de la loi ou d’arrestation. L’Appareil de Sécurité Nationale doit également avoir un bureau d’inspecteur général indépendant qui remplit les mêmes fonctions que le bureau des plaintes du ministère de l’Intérieur. Une loi doit être promulguée pour faire appliquer les dispositions du code de procédure pénale lorsque des personnes sont arrêtées même pendant des situations d’urgence ».
Après une nouvelle vague de plaintes et critiques contre l’Appareil de Sécurité Nationale et ses agissements brutaux, le nouveau décret royal n°66 de 2016 nomme un nouveau chef à la tête de l’Appareil de Sécurité Nationale. L’article 1 stipule que Cheikh Talal bin Mohammed bin Khalifa Al-Khalifa est nommé à la tête de l’appareil de sécurité nationale. L’appareil reviendra alors de manière plus horrible et brutale au premier semestre de 2017 pour torturer, intimider et menacer les militants, blogueurs et activistes des droits de l’homme.
Même si la Commission d’Enquête Indépendante de Bahreïn, établie par le roi de Bahreïn Hamad bin Isa al-Khalifa et composée de cinq experts juridiques internationaux, a confirmé en juillet 2011 que les forces de sécurité ont brutalement réprimé les manifestations anti-gouvernementales qui étaient en majorité pacifiques, l’Appareil de Sécurité Nationale continua de la même manière les pratiques cruelles et arbitraires de répression, d’arrestation, de torture, d’interrogation, d’extorsion, de menaces, d’intimidation, de tentatives de recrutement forcé, de gestion des dossiers politiques par des moyens sécuritaires et de réintégration des pouvoirs de contrôle et de détention au service de renseignement qui horrifient de nombreuses familles et les détenus torturés.
Le fonctionnement actuel de l’Appareil de Sécurité Nationale est le coup de grâce du processus de réforme à Bahreïn après 2011, surtout que les détenus dans les mains de l’Appareil de Sécurité Nationale ne sont pas du tout en sécurité et les organismes bahreïnis de surveillance ne sont pas une garantie pour leur protection. Des rapports et informations sur les conditions de détention d’Alsaegh dont le cas constituait un véritable test pour les institutions de régulation de Bahreïn pour prouver leur sérieux et ouverture quant aux questions qui représentent une haute importance pour l’opinion publique et mondiale.
Malgré les affirmations du gouvernement quant au respect de leurs responsabilités et qu’aucun individu n’est au-dessus de la loi, les organes créés pour empêcher les mauvais traitements infligés aux détenus sous la responsabilité du Ministère de l’Intérieur ou de l’Appareil de Sécurité Nationale – l’ombudsman et l’Unité des enquêtes spéciales – n’ont enregistré aucune amélioration dans la poursuite des auteurs des abus.
L’installation de l’Appareil de Sécurité Nationale à Bahreïn après la restauration de ses pouvoirs par le roi de Bahreïn, Hamad bin Isa Al Khalifa, a coïncidé avec une campagne de sécurité sans précédent de convocation des militants des droits de l’homme et d’activistes qui documentent et surveillent les violations sur le terrain ainsi que certains blogueurs et utilisateurs des réseaux sociaux. Au cours des enquêtes, ils ont été soumis à la torture, aux mauvais traitements et à l’intimidation par l’Appareil de Sécurité Nationale en parallèle d’une campagne médiatique progouvernementale menée contre eux dans le pays.
Au mois de mai de cette année, un certain nombre d’activistes des droits de l’homme ont subi des interrogatoires par le Service de la Sécurité nationale (National Security Service) à l’intérieur du bâtiment de sécurité au troisième étage. Les interrogatoires étaient menés dans des conditions illégales, pendant des heures avec la personne interrogée debout durant tout ce temps. Les avocats ont été interdits d’assister à ces interrogatoires dans lesquels les activistes étaient violemment battus.
Ces activistes ont également été victimes de dénigrement à caractère sectaire, insultes, diffamations, harcèlement verbal, sévices sexuels et tortures à l’électricité ainsi que des intimidations par des menaces contre les membres de leur famille s’ils n’arrêtent pas de travailler avec les organisations des droits de l’homme locales ou internationales. Les interrogateurs leurs demandent d’informer leurs collègues d’arrêter leurs activités dans ce domaine et certains ont même été forces de tweeter sur Twitter l’annonce de l’arrêt de leurs activités concernant les droits de l’homme et les medias, sous menace d’être arrêtés de nouveau, torturés, agressés sexuellement et emprisonnés à vie.
Dans le même contexte, les organisations signataires de ce rapport insiste sur le point suivant :
Il faut interdire l’incitation ou l’utilisation de la torture et d’autre traitement ou sanction cruel, inhumain ou rabaissant, quelles que soient les circonstances. Nous appelons également le gouvernement de Bahreïn à respecter scrupuleusement les obligations inscrites dans les lois internationales concernant les droits de l’homme et d’affirmer que « les autorités de Bahreïn ont l’obligation d’enquêter sur les accusations de violations des droits de l’homme subies par Mme Alsaegh dont celles sur la torture pratiquée par les forces de sécurité pendant les interrogatoires et éviter que cela se reproduise ».
Les organisations signataires de ce rapport demande aux autorités de Bahreïn de :
1.Mener une enquête immédiate, sérieuse et impartiale sur la torture et les sévices sexuels subis par Ebtisam Alsaegh avec l’intention de présenter les résultats et les responsables à la justice selon les standards internationaux.
2.Prendre tous les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et l’intégrité psychologique ainsi que physique d’Ebtisam Alsaegh et les membres de sa famille.
3.Libérer Ebtisam Alsaegh et tous les militants des droits de l’homme immédiatement et abandonner toutes les accusations à leur encontre.
4.Arrêter de viser tous les militants des droits de l’homme à Bahreïn afin d’assurer qu’ils puissent mener à bien en toute circonstance leurs légitimes activités de défense des droits de l’homme sans peur de représailles et sans aucune restriction.
Les organisations signataires :
The European – Bahraini Organisation for Human Rights (EBOHR)
SALAM for Democracy and Human Rights